Ligne nouvelle Paris Normandie: la contribution du groupe local au débat public.

Document d'étude: une gare LGV en lisière de la Forêt de Bord

Contribution rédigée par Gilles:

 

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CAHIER D’ACTEUR    du groupe local Europe Ecologie Les Verts- Eure-Seine

sur le projet de ligne LGV Paris-Normandie

 

ETAT DES LIEUX.

 

La ligne Paris SL- Rouen- Le Havre à doubles voies depuis Mantes et électrifiée depuis 1967, aété l’objet de peu d’améliorations depuis cette date – hormis la mise au gabarit du tunnel de Venable et la mise en place d’un court (et toujours unique) tronçon d’installation permanente de contre-sens (IPCS) aux alentours de la gare de Pont-de-L’arche.

Le service voyageur assuré est une tentative approximative de service cadencé avec des « trous » de deux heures en matinée et en soirée entre Paris et Rouen.

Le dernier train TER pour remonter la vallée de la Seine, du lundi au samedi, quitte curieusement Rouen à 20h09.

Le service de la ligne est constitué d’un mixage de TER et d’Intercité sans que l’on puisse clairement identifier leurs missions respectives. On peut constater en particulier que les TER Hauts-Normands  desservent de façon insignifiante quatre établissements normands, à savoir: Sotteville, St Etienne-du-Rouvray, Pont-de-L’arche-Alizay, St Pierre-du-Vauvray, mais plus généreusement deux  établissements IdF, à savoir: Bonnières et Rosny-sur-Seine. Ces remarques ne sont pas exhaustives.

 

Considérations sur le 276.

 

Il existe comme dans toute région, trois niveaux d’autorité organisatrice des transports (AOT). Il s’agit du Conseil Régional pour les TER, des Conseils Généraux pour les transports départementaux et transports scolaires, des Communautés d’agglomérations pour les transports urbains.

Aucune recherche de multimodalité concernant les horaires et les correspondances n’a été tentée en Haute Normandie. La situation de la gare routière de Rouen à deux arrêts de tramway de la gare SNCF ou le point d’arrêt des bus CG de Val-de-Reuil à 15mn à pied de la gare de cette même ville sont des absurdités qui perdurent.

 

RETOUR SUR LE PASSE.

 

La ligne Paris SL- Rouen- Le Havre constitue dans les années 30 la colonne vertébrale d’un réseau de voies ferrées en capacité d’irriguer parfaitement les départements de l’Eure et de la Seine-Inférieure.

Le développement de l’automobile privée, les restrictions budgétaires concernant les services publics, le conformisme en la matière des pouvoirs publics et l’indifférence des élus locaux, ont rapidement mis un terme à cette remarquable situation.

Il reste aujourd’hui de ce réseau un squelette aux branches plus ou moins mortes dont il ne serait pas stupide pour certaines d’envisager la réanimation.

Nous décrivons rapidement ci-après, de Vernon au Havre, la situation actuelle, mélange d’abandon, de renoncement et d’occasions manquées.

 

 

 

 

 

Lignes fermées au service voyageur ou abandonnées:

 

 Vernon – Giverny – Gisors. Pont sur la Seine détruit en 1944, ligne définitivement fermée en 1964.

                  Vernon – Pacy-sur-Eure – Dreux. Ligne fermée en 1939 et déclassée.

                –  St Pierre-du-Vauvray – Les Andelys. Pont sur la Seine détruit en 1944, ligne fermée et déclassée.

                   St Pierre-du-Vauvray – Louviers – Evreux. Dernière desserte  voyageur sur Louviers en 1969, fermeture à tout trafic depuis avec arrêt total de l’entretien, projet de réouverture aujourd’hui abandonné.  Concernant le dossier de maitre d’ouvrage de RFF, la mention sur la carte  page 40 d’une bifurcation de Louviers nécessitant une vigilance dans l’élaboration des horaires est pour le moins surprenante.

                –  Pont-de-L’arche – Charleval – Etrépagny –  Gisors. Ligne en sursis incertain encore ouverte au fret jusqu’à Etrépagny, fermée au-delà. (Pour mémoire, ligne Charleval – Serqueux déclassée).

                –  Pavilly – Duclair – Le Trait – St Wandrille – Caudebec. Service voyageur disparu en 1949. Le tronçon terminal est déclassé en1978. L’infrastructure existe encore sans entretien et sans projet. Une plateforme multimodale existe pourtant à St Wandrille et une autre envisagée au Trait.

                –  Motteville – St Valéry. Ligne abandonnée et sans entretien (bus de substitution).

                –  Bréauté-Beuzeville – Lillebonne – Gravenchon. Belle infrastructure électrifiée sans projet voyageurs.

 

Lignes ouvertes au service voyageur:

 

                –  Oissel – Bernay – Caen. Service modeste et mal cadencé avec des « trous » de trois heures.

                –  Rouen – Serqueux – Lille. Service très modeste avec « trous » de quatre heures.

                –  Rouen – Dieppe. Ligne modernisée à moindre frais en supprimant la double voie sur l’essentiel du parcourt. Services voyageurs convenable mais avec « trous » de deux heures.

                –  Bréauté-Beuzeville – Fécamp.  Services voyageurs convenable mais avec « trous » de deux heures.

                –  Le Havre – Montivilliers. Desserte intelligente et remarquable, un exemple unique mais à suivre.

 

LE PROJET LNPN

 

Le projet d’une ligne nouvelle, de par son ambition, s’inscrit dans une perspective lointaine.

Il ne tient pratiquement pas compte des besoins de déplacement locaux et ne satisfait qu’une frange de la population, celle qui occupe les postes clefs des « pôles de compétitivité ». C’est un produit élitiste, ségrégué qui répond à un désir de prestige régional et d’émulation interrégionale.

Il empêche le développement de projets régionaux (ex. Rouen – Evreux) en asséchant la capacité d’investissement des finances publiques, et ne répond pas en cela à l’urgence sociale et environnementale qui appelle des réponses rapides des pouvoirs publics.

A Rouen par exemple ce sont 8000 déplacements vers Paris contre 900 000 intra agglomération. Comme le mentionne l’étude RFF, il y a 5000 trajets domicile travail journaliers de Rouen vers l’Ile-de-France tandis qu’il y en a 7200 vers Louviers – Val-de-Reuil, 2500 de Val-de-Reuil vers Evreux et 1800 de Rouen à Evreux : ces trois derniers trajets sont assurés en automobile au vu  de la médiocrité des transports publics sur ces liaisons (ils assurent, toujours selon l’étude RFF environ 1% du trafic).

Le coût global du projet LNPN est estimé entre 11 et 15 milliards d’euros, soit 25 millions d’euros le kilomètre et 500 millions d’euros par minute gagnée.

Pour son financement, à cette étape de l’étude, rien n’est officiellement dévoilé. Nous pouvons cependant entrevoir la mise en œuvre d’un PPP (partenariat public privé). L’Etat obligera les collectivités proches ou éloignées de ce projet à s’endetter. Ca ne suffira pas, aussi le reste sera demandé au privé qui empruntera et qui en contre partie recevra soit un loyer de RFF, soit la totalité des recettes, et ceci pendant 25 ou 40 ans selon la formule. Les tarifs pratiqués ne seront pas négociables et seront définitivement très éloignés des 2€ tant prônés par certains élus.

Le financement de la nouvelle gare sur Rouen St Sever est évalué à 250 M€ par RFF et à 400 M€ de plus que la variante Sotteville d’après l’agence d’urbanisme de Rouen et des boucles de Seine Eure; comprenne qui pourra. Le tunnel de franchissement de la Seine suivi de la remontée sur le plateau, toujours en souterrain, n’est pas pris en compte dans l’étude qui nous est soumise. Le coût de cet ouvrage d’art reste inconnu bien qu’il soit la solution de continuité indispensable à la mise en œuvre des variantes A et B. L’évaluation version très basse du franchissement sous fluvial de la variante C à 1,5 G€ devrait nous rappeler les réalités.

Réseau Ferré de France est chargé de la construction de la LNPN en tant que maitre d’ouvrage. Il sera chargé par la suite de l’entretien des installations fixes et de la gestion des circulations ferroviaires.

A la mise en service de la ligne, RFF décidera des vitesses limites permises par l’infrastructure en fonction du tracé et de la signalisation. Il sera en mesure de proposer une grille de desserte en fonction des possibilités de la ligne, des vitesses envisagées par l’exploitant, des possibilités d’accélération et de freinage du matériel envisagé aussi par l’exploitant et en tenant compte des périodes nécessaires aux travaux d’entretien de l’infrastructure. 

Réseau Ferré de France n’est pas exploitant ferroviaire. A ce titre, RFF ne peut pas s’engager sur un modèle d’exploitation. Seul la future entreprise exploitante, SNCF ou autre,  aura pouvoir de définir le futur service en fonction de l’estimation du marché.

Le dossier du maître d’ouvrage présente à ce titre une carence notable. Il est donc nécessaire de joindre à ce dossier, l’expertise motivée de la future entreprise exploitante.

 

CE QUE NOUS ATTENDONS

Nous, écologistes, optons pour un scénario pragmatique : offrir une offre de transport ferroviaire au plus grand nombre qui soit fiable et construite dans des délais raisonnables, avec des couts d’investissement qui ne vont pas siphonner la totalité de la capacité d’endettement des collectivités locales pour 25 ans.

Ce qu’attendent les usagers c’est un transport public, de préférence ferroviaire,  confortable, bien cadencé, respectant ses horaires, intégrant les normes d’accessibilité et dispensant dans la mesure du possible de l’usage de l’automobile pour le rejoindre.

 

Ce qu’il faut aujourd’hui exiger en matière de grille horaire

 

      –  Une large amplitude (l’activité humaine tend vers 6h-24h).

      –  Un véritable cadencement sans « trous ».

      –  Des correspondances intramodales et intermodales (IC, TER, busCG) adaptées et respectées.

 

Désengorger le Mantois 

Sur ce tronçon de Mantes en direction de Paris, la création d’une ligne nouvelle apparaît comme incontournable. En ce qui concerne la Normandie, la destination  terminus Paris St Lazare devrait être maintenue avec ou sans desserte de La Défense dans la mesure ou le service banlieue de Mantes est reporté sur la ligne du RER E, allégeant en conséquence les groupes V et VI de Paris St Lazare.

La desserte d’Evreux

Evreux est sans doute la seule sinon l’une des rares capitales départementales à ne pas être connecté à sa capitale régionale Rouen. Le projet de liaison TER a été gelé à l’occasion du débat public sur la ligne nouvelle. Force est de constater que les différents scénarii prennent peu ou mal en compte la problématique du bassin de vie situé entre Rouen et Evreux (Pont-de-l’Arche-Alisay, Val-de-Reuil, Louviers, Acquigny…… Gravigny). Pourtant le potentiel de déplacement est considérable. Il n’est pas envisageable de sacrifier ces agglomérations sur l’autel de la vitesse. Si le projet, tel qu’il est présenté actuellement, ne donne pas de garantie à ce niveau, il doit impérativement être complété par une desserte de type TER, plus proche des problématiques locales par réutilisation complète ou partielle de l’ancienne ligne. Dans cette configuration, elle devra même être engagée sans attendre une hypothétique réalisation de  ligne nouvelle compte tenu de la situation actuellement très dégradée des transports publics dans cette zone.

Dans cette perspective, le recours à la technologie du Tram-Train semble incontournable puisqu’il s’agit d’une réouverture de ligne et que le décret « Bussereau » interdit dans ce cas les passages à niveau. La conséquence malheureuse est la limitation de vitesse à100 km/hdes Tram-Trains en particulier sur le tronçon Rouen – St Pierre-du-Vauvray. La contrepartie positive est de permettre la réanimation sur ce trajet, des gares sacrifiées lors de la mise en œuvre du cadencement version 2009 grâce aux qualités de démarrage de ces matériels.

 

La gare rive gauche

Le seul site pertinent semble être celui de « Saint Sever » du fait de l’espace disponible et de l’interconnexion possible au réseau de transport en commun. Néanmoins, la nécessité de réaliser un tunnel de plusieurs kilomètres pour rejoindre la rive droite fait peser de sérieux doutes sur la faisabilité financière du projet dans des délais raisonnables. Dans ce contexte, il faut envisager de phaser le projet en fonctionnant dans un premier temps avec deux gares (Rive droite : trafic endirection du Havre, rive gauche : terminus à Rouen). L’objectif est d’éviter un blocage de l’ensemble du projet au vu du coût de réalisation du tunnel.

 

Le fret ferroviaire 

Point positif du dossier : la volonté de développer le fret ferroviaire entre les ports du Havre, de Rouen et l’Ile de France en remarquant que, jusqu’à ce jour, les pouvoirs publics français et plus particulièrement hauts-Normands ont tout misé sur le fret routier, tandis que nos voisins  de Rotterdam ou d’Hambourg ont su promouvoir et prioriser le fret ferroviaire. Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Cependant, il n’est question que de développer l’économie portuaire au travers d’un « Seine Gateway » ce qui est une vision pour le moins réductrice du transport des marchandises.

Il n’y a plus de politique de développement des embranchements particuliers en dehors des zones portuaires.

A l’opposé de ce qui se passe outre-Rhin, le fret par wagons isolés a été condamné à disparaître au niveau national et plus particulièrement en Haute-Normandie par la fermeture du triage de Sotteville-lès-Rouen.

Les opérateurs concurrents tel ECR ne développent pas de nouveaux trafics mais vampirisent par dumping social les trains complets de la SNCF.

On attend toujours d’hypothétiques opérateurs de proximité.

Relancer le fret ferroviaire tombé au tiers de ce qu’il était en 1974 nécessite une volonté politique qui semble encore absente de l’étude qui nous est proposée.

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