Les arguments d’Europe Ecologie – Les Verts pour une alternative au contournement Est de Rouen

Plutôt que de rêver au contournement Est de Rouen (liaison A28-A13), finissons le contournement Ouest et développons les transports collectifs !

 

Texte à télécharger ici : Arguments CE-EELV-juin14

 

  1. Evolution du contexte depuis le débat public de 2005

  • Evolution des infrastructures routières locales

Les infrastructures routières autour de Rouen ont évolué de manière significative depuis le débat public précédent de 2005, à savoir :

– l’achèvement de l’A28 et celui de l’A29;

– création d’une déviation en 2×2 et 2×1 voies des communes de Pont de l’Arche et les Damps (27) à partir de l’échangeur de Criquebeuf sur l’A13 et allant en direction de Val-de-Reuil (donc non loin d’un futur pont sur la Seine envisagé sur la commune de Le Manoir);

– mise en service du Pont Flaubert côté Port de commerce de Rouen, avec bretelles de raccordement au pont en place d’ici 2020 (décision de financement par l’Etat annoncée lors de la visite du Ministre des Transports M. Cuvillier à Rouen le 1er février 2013);

– création de la rocade Sud D 418 au Sud-Ouest de Rouen depuis la N338 vers le Rond-point des Vaches et la RD18E;

– élargissement de l’A13 à partir de la sortie 22 / Oissel pour améliorer la fluidité du trafic lorsque l’on veut rejoindre directement Rouen par l’Ouestvia la N 138 puis la N338 (sud 3) en direction du Pont Flaubert ou la RD938 pour le parc des expositions et le zénith.

– achèvement en cours de l’A150 (tronçon Barentin-Ecalles).

Il ressort que tous ces nouveaux aménagements routiers, combinés avec l’A150/A151, seront connectés avec l’A29, et permettront donc de constituer un véritable « contournement Ouest de Rouen » entre l’A28 au Nord et l’A13 au Sud de Rouen, quasiment gratuit,contrairement au projet présenté par la DREAL lors de la publication du nouveau tracé préférentiel fin 2012 – ce qui a un impact important sur les trafics, tant de voyageurs que de marchandises). De plus, l’écart de kilométrage entre le tracé de liaison A28-A13 par l’est de Rouen (41 km) et celui de ce « contournement Ouest de Rouen » tel que décrit ci-dessus sera très faible (moins de 10 kilomètres).

  • Evolution des transports publics

En matière de transport de voyageurs, l’offre s’est également étoffée dans l’agglomération de la CREA depuis le débat public sur le projet de Contournement Est de Rouen. L’agglomération, future Métropole, est en cours d’adoption de son nouveau Plan de Déplacements Urbains, prévoyant de nouvelles infrastructures structurantes de transports collectifs de type Transport à Haut Niveau de Service. Une étude de faisabilité sur la mise en place d’un système de tram-train sur l’agglomération, avec pour premier maillon Barentin / Saint-Aubin-Les-Elbeuf, est également à prendre en compte.

  • Evolution des finances publiques

L’impact sur les comptes publics n’a pas été calculé, alors qu’ils sont actuellement dans une situation très difficile, et que le gouvernement fait la course aux économies budgétaires. Les économies nécessaires pour rétablir nos comptes publics, rendent impossible, alors qu’on supprime aux collectivités locales 15 milliards d’euros de dotations de l’Etat, d’imaginer une augmentation de la contribution de ces dernières dans le financement de la liaison A28-A13.

  1. La liaison nouvelle A28-A13, un projet qui présente de lourds inconvénients et des coûts très importants

  • Des prévisions d’évolutions de flux de trafic qui ne correspondent pas à ce qui est observé actuellement

Lors du débat public de 2005, le CETE Normandie Centre avait affirmé que le contournement Est permettrait de délester le trafic sur le pont Mathilde de 15 %.

Selon les chiffres fournis par le département de Seine-Maritime et par les services de l’Etat, en 2012, juste avant l’accident survenu sur le pont Mathilde, il passait sur ce pont 80 000 véhicules par jour. Or depuis l’accident, les services de la CREA ont noté une augmentation d’environ 15 000 voyageurs par jour dans les transports collectifs du réseau de l’agglomération – ce qui correspondrait logiquement à une baisse parallèle d’environ 15 000 véhicules par jour circulant dans l’agglomération.

Cela signifie donc que sans réalisation du contournement Est, ces objectifs de baisse de trafic sont déjà quasiment atteints, grâce au seul changement de comportement des usagers. Il apparaît donc nettement plus efficace et moins coûteux de continuer dans cette voie et de convaincre davantage de particuliers circulant dans l’agglomération d’emprunter les transports collectifs plutôt que leur voiture, plutôt que de construire cette infrastructure coûteuse, si l’on veut décongestionner efficacement et durablement le centre-ville de l’agglomération rouennaise.

  • Un soi-disant consensus des élus locaux qui s’est largement fissuré

En 2005 déjà, les élus écologistes et quelques élus locaux comme le conseil municipal de Belbeuf s’étaient exprimé publiquement contre le projet de contournement Est.

Récemment, un certain nombre d’élus locaux, auparavant favorables au contournement Est de Rouen, sont devenus de fervents opposants au projet depuis l’annonce du nouveau tracé préférentiel passant par Port-Saint-Ouen. Se sont par exemple exprimés publiquement contre, les maires de Léry, de Val-de-Reuil, Pîtres, Alizay, Les Damps, Le Manoir-sur-Seine, Oissel, Les Authieux-sur-le-Port-Saint-Ouen…

  • Des impacts environnementaux très lourds

Contrairement aux obligations du code de l’environnement, aucune étude d’impacts globale n’a été réalisée, le maître d’ouvrage n’ayant publié jusqu’à présent que des études d’impacts par tronçon.

Pourtant la réalisation de cette infrastructure, outre son impact foncier très important qui conduirait à détruire des centaines d’hectares de terres agricoles très fertiles, induirait des ruptures de continuités écologiques (trames verte et bleue) dans différentes zones naturelles de Haute-Normandie, région déjà très fragmentée et artificialisée, notamment dans la forêt de Bord, et la boucle de Seine de Poses.

Les impacts globaux sur les captages d’eau seraient aussi importants, du fait de l’état dégradé des bassins d’alimentation en eau potable de l’agglomération rouennaise (près de la moitié des habitants de la CREA seraient concernés par ces impacts) et des risques supplémentaires engendrés par cette infrastructure sur les zones sensibles (conséquences d’accidents impliquant du transport de matières dangereuses, pollution des eaux de ruissellement, turbidité et pollution des nappes phréatiques…).

  • Des impacts sur la santé des habitant-e-s du territoire traversé

Toute nouvelle infrastructure routière augmente le flux global de véhicules sur son territoire, comme l’ont démontré différentes études françaises et internationales. La hausse des flux liés à la réalisation de la liaison A28-A13 augmentera le nombre de particules fines émises sur notre territoire, alors même que l’on trouve déjà dans les quatre agglomérations les plus impactées de Haute-Normandie en termes d’émissions de particules fines la CREA et la CASE1. Actuellement déjà, selon une étude récente de l’INERIS, 100 morts anticipées par an sont dues à Rouen à la pollution excessive de l’air! Ce chiffre ne pourra qu’augmenter avec l’augmentation globale des flux routiers…

De plus les oxydes d’azote issus des pots d’échappement des véhicules diesel, peu pris en compte aujourd’hui alors qu’ils sont très polluants, méritent notre attention, car ils jouent un rôle de précurseur dans les épisodes « ozone ».

  • La nécessité d’une véritable étude économique globale

Seule une telle étude, réellement complète et actualisée, permettrait de mettre en balance les impacts positifs éventuels espérés du milieu économique qui exerce un fort lobby en faveur de la réalisation du contournement Est (essentiellement le port de Rouen, les transporteurs et le BTP) avec les coûts globaux sur d’autres secteurs qui ne semblent pas avoir été pris en compte jusqu’à présent, comme le tourisme.

Or les impacts touristiques risquent d’être néfastes pour les lieux jusqu’à présents préservés, qui se retrouveraient dans le périmètre de l’infrastructure. Par exemple la base nautique de Léry-Poses risque fort d’en souffrir, alors même que les collectivités locales y ont beaucoup investi.

Nous rappelons l’abandon des projets économiques comme la zone d’activités du Mont Jarret, et l’avenir en suspens de l’aéroport de Boos, ainsi que les difficultés d’attractivité des activités nouvelles des zones de la Ronce et de la Vente Olivier ; des projets qui figuraient déjà en 2005 comme des enjeux économiques majeurs pour justifier ce tracé.

  • Une mobilisation de l’intelligence collective au détriment d’autres projets et alternatives

Depuis 1942 on a consacré une grande part des moyens des différents services (Etat, collectivités) pour concrétiser cette infrastructure, bloquant de fait la recherche de toute alternative. Aujourd’hui il est temps de libérer cette intelligence collective, qui doit être remise au service de l’intérêt général, pour une mobilité efficace d’avenir pour nos bassins de vie.

  • Un coût largement sous-estimé

1) le coût de l’infrastructure

Le coût envisagé par cette infrastructure a quasiment triplé depuis le débat public (Rappel: l’enveloppe financière prévisionnelle de l’opération était de 380 millions pour l’ensemble de l’itinéraire en 20052)… Pourtant si l’on ne comptait que l’inflation, le projet couterait aujourd’hui… environ 470 millions d’euros! Les options retenues à ce stade du projet, et sans préjuger des résultats des études de détail et des mesures compensatoires (passage notamment sur des captages importants de l’agglomération – dont un classé Grenelle), font que son coût, actuellement évalué à 1,05 milliard d’euros, sera nécessairement réévalué à la hausse.

2) Une clef de répartition de financement inacceptable et irréalisable pour les collectivités

Il resterait 25% du coût total à charge des collectivités locales, qui sont déjà exsangues et auxquelles on demande un effort budgétaire considérable dans les années à venir! Ce montage financier induira les conséquences suivantes:

  • mener de front la réalisation d’une infrastructure aussi chère et assurer des services publics de proximité et de qualité pour nos collectivités sera forcément impossible,

  • dans le cadre du partenariat public-privé envisagé, si l’on tien compte de la décharge à verser au concessionnaire si les trafics sur l’infrastructure n’atteignent pas les flux envisagés, les collectivités devront compenser, entrainant de facto une hausse des impôts locaux.

  • une infrastructure qui ne répond pas aux problématiques d’engorgement routier de l’agglomération aux préoccupations des habitants

Le principal argument des acteurs économiques et politiques soutenant le projet de contournement Est est qu’il permettrait de débarrasser le centre-ville des flux de poids-lourds, et dans une moindre mesure des véhicules particuliers qui ne font que traverser l’agglomération. Or, selon les chiffres fournis par le CETE Normandie Centre, en 2003 le trafic de transit ne constituait que… 1,2 % des flux totaux traversant l’agglomération3 !

De même pour les temps de parcours, la diminution du temps de parcours dépend de la proximité des transports publics et des liaisons rapides avec les lignes en sites propres comme l’indique le rapport OSCAR 2012.

De plus le contournement dans sa version Est, n’est pas une réponse appropriée à la traversée de l’agglomération par les camions transportant des matières dangereuses, puisque la plupart des industries et sites SEVESO sont situés à l’ouest de la ville. Rallonger leur trajet de 20 minutes en passant par l’est de l’agglomération, en leur faisant traverser des communes comme Saint-Etienne du Rouvray ou Oissel n’est pas du tout approprié. La solution adaptée serait celle qui s’impose aujourd’hui aux convois à risques, c’est-à-dire A28-A29-A150-Pont Flaubert, Sud3 et A13.

Enfin, l’établissement d’un péage dissuadera très certainement les poids-lourds de l’emprunter. L’exemple du péage d’Incarville de l’A13 est à ce titre significatif : une large part des poids-lourds circulant sur la portion gratuite de l’A13 se dirigeant vers l’agglomération rouennaise sortent avant le péage d’Incarville, à l’échangeur de Criquebeuf, et emprunte la D 6015. Pour les véhicules légers, les personnes qui n’ont pas les moyens de payer le péage d’Incarville, subissent les bouchons quotidiens du contournement de Pont-de l’Arche, comme le subiront ceux qui ne pourront ne pas payer le futur péage du contournement Est, ce qui constituera une vraie injustice sociale !

  1. Le contournement Ouest, une réalité depuis l’accident du pont Mathilde ; un projet dont l’achèvement s’impose

Avant de penser au contournement Est, qui ne verra pas le jour avant au grand minimum 2025, finissons le contournement Ouest ! Pour les écologistes, il s’agit d’achever cette infrastructure existante, c’est-à-dire l’axe constitué par l’A150 (le tronçon déjà existant), le pont Flaubert et la Sud III. Pour parachever cette liaison et ainsi fluidifier rapidement et efficacement les trafics internes de l’agglomération, il faut avant tout compléter les infrastructures d’accès au Pont Flaubert, non seulement les accès sud (rive gauche) mais également les accès nord (rive droite), alors que l’Etat ne semble pour l’instant ne prendre en compte que les accès Sud.

Ces raccordements complets coûteraient pourtant bien moins que le contournement Est : pour 250 millions d’euros, le contournement Ouest de l’agglomération peut devenir vraiment efficient. Il est d’ailleurs regrettable que les financements pour achever cette infrastructure n’aient pas été prévus dans le montage financier de départ.

Pour conclure, l’écart de distance entre les 2 projets, contournement Ouest quasiment finalisé et hypothétique contournement Est, reste anecdotique (environ 10 km) mais l’écart de coût d’investissement et de fonctionnement est quant à lui considérable. On passerait ainsi de plus d’un milliard à environ 250 millions d’euros pour l’investissement, et du péage élevé (du fait du PPP) à la quasi-gratuité pour les usagers (seul le tronçon de la A29, s’il est emprunté, reste payant). Les impacts environnementaux et humains sont également considérablement moindres avec le choix du contournement Ouest.

1 Selon l’inventaire d’Air Normand année 2008, version 2012.

2 cf dossier du MDO pour le débat public de 2005, p. 93.

3 14 000 déplacements sur un total de 1 134 000 déplacements journaliers dans l’agglomération, cf pages 39 à 41 du dossier du débat public, juin 2005.

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